vendredi 12 août 2016

Les mariages précoces aux Comores

Ci dessous, un article que j'ai préparé depuis longtemps (juste après la journée du droit des femmes) et que j'ai oublié dans mes brouillons. Mais, comme il n'est jamais trop tard pour bien faire...

A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, l’Alliance française de Moroni a organisé dans ses locaux une expo photo sur les mariages précoces intitulée Wana watiti ("Petites filles" en comorien). 
Cette exposition est le résultat de 3 semaines de reportage réalisées par la photographe italienne Martina Bacigalupo en octobre 2015 sur les trois îles des Comores et qui s’est concrétisé par la production de 26 photographies accompagnées de leurs témoignages.

Cette exposition a vocation à illustrer le quotidien de ces jeunes filles-mères, souvent sorties de tout système éducatif et sans ressources, mariées au gré des pressions sociales ou familiales.



Quelques chiffres
Avec une population d'environ 850 000 habitants et un accroissement annuel de 2,1%, la population de moins de 20 ans  représente plus de la moitié de la population de l’archipel. Les chiffres sur la sexualité des jeunes sont édifiants : selon la dernière enquête démographique réalisée en 2012 par la Direction Générale de la Statistique et de la Prospective (DGSP), 11% des adolescentes ont déjà eu au moins un enfant ou sont enceintes et presque trois femmes sur dix sont mariées avant d’atteindre l’âge de 18 ans.
https://dhsprogram.com/pubs/pdf/FR278/FR278.pdf

Témoignage de l’artiste (à retrouver sur le site de l'Alliance)

« L’année passée j’ai été contactée par l’Alliance Française de Moroni pour faire le reportage photographique d’un projet pilote sur les mariages précoces et forcés aux Comores. J’ai accepté de bon gré, vu mon implication au niveau des droits de la femme en Afrique depuis presque dix ans, et je suis partie à la découverte du terrain, avec Madame Sett Tadjiddine, sage-femme et militante pour les droits de la femme aux Comores et Monsieur Shabani Bourhane, militant pour les droits des femmes, tous deux membres de la Direction Nationale de la Promotion du Genre, sous tutelle du Ministère de la Santé aux Comores.
Ensemble, nous avons rendu visite à des jeunes femmes qui avaient accepté, par le biais des associations locales, de partager avec nous leur expérience. Même si certaines d’entre elles ont préféré rester anonymes, en changeant leur nom et en me demandant de couvrir leur visage, toutes avaient le même besoin de dénoncer cette situation dans laquelle la société comorienne les emprisonne. Effectivement, les jeunes adolescentes ne peuvent pas fréquenter leurs amis de l’école à défaut d’être mariées avec eux, pour ne pas faire honte à leur famille. Exploration et protection, deux éléments fondamentaux dans la vie de tout adolescent (autant des filles que des garçons !), sont donc soumis à une forte pression sociale aux Comores. Cela engendre une série de problématiques, dont des grossesses précoces, des accouchements faits à la maison, des décès évitables, des séparations entre mariés à cause de l’immaturité des garçons qui ont du mal à assumer leur paternité si jeunes, et peut être même des problèmes obstétricaux comme les fistules, un problème de santé publique mal connu en raison du tabou qui entoure ce sujet.
Comme dans tous les autres pays dans lesquels j’ai travaillé sur la condition de la femme, j’ai vu aux Comores le lien entre la place de la femme dans la société, sa santé, son éducation et la pauvreté de la société dans laquelle elle vit. Il faudrait réaliser que protéger la femme signifie protéger toute la communauté et travailler au vrai développement d’un pays.
J’espère que ce travail, qui est encore en cours, pourra soutenir le combat mené par les Comoriens qui ne cessent de dénoncer les mariages forcés et précoces, en assumant les attaques, parfois violentes, qui viennent de la société qu’ils essayent de changer ».
Martina Bacigalupo, Mars 2016


Vous pouvez voir ces photos et lire les témoignages sur le site de l’Alliance française de Moroni : http://www.af-comores.org/le-reseau-des-alliances-aux-comores/alliance-francaise-de-moroni/lutte-contre-les-mariages-precoces-et-forces/

Les JO, ce n’est pas que du sport



Encore une polémique liée à la présentation des JO sur France Télévision. Cette fois-ci, ce sont les commentaires ignares tenus sur les Comores lors de la cérémonie d’ouverture par les présentateurs de France Télévision qui sont critiqués.

Je vous retranscris un article de l’agence de presse comorienne HKZ Presse ; et même si je ne suis pas d’accord avec l’intégralité des propos tenus dans la lettre citée dans l’article, il est clair que l’histoire de l’archipel des Comores ne se résume pas à Bob Denard !

Propos « insultants » France2 :

Le parti social-démocrate comorien saisit la présidente de France télévision



Moroni, mercredi 10 août 2016 (HZK-Presse) La présidente de France télévision, Delphine Emotte a été interpellée par le parti social-démocrate Comorien après les propos tenus par un commentateur de France2 au passage de la délégation comorienne dans la cérémonie d'ouverture des JO de Rio.

Les commentaires de la chaîne publique France2 au passage de la délégation comorienne fait bondir plus d'un. Dans une lettre ouverte adressée à la présidente de France télévision, le parti social-démocrate Comorien déplore dans des termes on ne peut plus clairs des propos « méprisants ».

Il s'interroge sur l’importance pour les télévisions françaises de diffuser en direct des « propos malintentionnés et révoltants à l’égard du peuple comorien ». Des présentateurs des chaînes françaises qui n’ont rien trouvé de mieux, pour présenter les Comores, que de faire référence à Bob Denard, le tristement célèbre mercenaire français.

Cette formation politique considère ces propos comme un « acharnement incompréhensible » et une volonté négative envers le peuple comorien qui serait « non seulement choquante, elle est aussi l’expression médiatique du mépris de la France à l’égard des pays africains qui ont eu le malheur de croiser sa douloureuse tyrannie coloniale », peut-on lire. 

« Pour les Comores et pour beaucoup d’autres pays africains, Bob Denard est une ordure que la France a jetée dans la poubelle de l’histoire. Que vos journalistes persistent à en faire une gloire de votre pays, soit. Mais, nous retourner cette abjecte fétidité, à chaque événement international censé cultiver la concorde et la paix, remue les plaies d’une époque que nous aurions aimé oublier. Que les chaînes de télévision françaises en demeurent nostalgiques, c’est compréhensible. Qu’elles en fassent une ligne de provocation et d’impertinence, c’est inadmissible ».

Il n'est pas question des excuses : « les chaînes de télévision françaises n’étant pas capables d’en faire sincèrement », poursuit la lettre. « Nous exigeons seulement qu’elles aient l’obligeance de faire taire leur ignorance des références comoriennes ou leur mauvaise foi programmée dans les tablettes d’une ère révolue. D’autres médias soucieux du travail journalistique sérieux et respectueux des autres, pourront présenter la délégation comorienne, sans pour autant véhiculer l’arrogance anachronique de leur pays ».

A noter que le Conseil représentatif des Associations noires (Cran) a saisi le CSA sur le prisme « colonial » de France2. Le Cran qui a qualifié les commentaires de la cérémonie d'ouverture des JO par France2 d'un « véritable festival d'erreurs, d'inepties et de propos colonialistes ». France Télévisions a indiqué à « L'Expresse » ce mardi que le Cran serait reçu prochainement par sa présidente Delphine Ernotte : "La direction regrette ces commentaires, comprend les réactions et considère la situation avec sérieux", déclare le groupe public.

Maoulida Mbaé